Nous avons tous été un jour, une nuit, empreints de poésie à regarder la lune. L’astre lointain, celui qu’on voit, celui qui nous rappelle que nous sommes sur une boule dans l’univers, une boule qui attire et qui se déplace autour d’autres boules qui circulent dans un univers sans limite. La lune est comme un électron autour d’un noyau d’atome et nous rappelle que nous sommes aussi composés d’atomes autour desquels tournent des électrons. Nous sommes unicité et nous sommes similitude.
La poésie ou comment prendre du recul
Le personnage de Pierrot, Pedrolino, est issu de la commedia dell’arte. C’est un être solitaire, profond, mélancolique mais aussi drôle et juste. Il est fou d’amour pour une blanchisseuse qui ne le remarque pas puisqu’il se fait invisible. Il a trop peur de quitter son monde lunaire, fait de poésie et de délicatesse. Il vit la nuit quand il n’y a aucun bruit et le jour, il dort et rêve ou observe du haut d’un toit la comédie humaine.
Pierrot regarde le monde par peur d’être blessé par lui. Il est à la fois fragile et agile. Il incarne la candeur : cet état de vitalité intérieure qui nous pousse à voir la beauté, à ressentir l’injustice, à vivre la poésie même dans les expériences les plus sombres.
À l’heure des objets qui nous identifient et des messages contradictoires qui nous informent et nous forment, il est important de chercher en nous où à bien pu se cacher cette candeur. Cette capacité à prendre du recul, à être bien, juste soi, et à mettre des mots et des critiques sur la commedia dell’arte qui nous traverse plus que nous ne la traversons.
Notre rapport aux mouvements du vivant, aux astres et aux atomes, nous donne toute la légitimité nécessaire pour être aussi des Pierrots : poètes, justes et rêveur·ses.
Et après la distanciation, c’est le passage à l’acte : « on m’a fait croire qu’il fallait avoir, mais j’ai le droit d’être, alors que faire ? »
Là aussi, les candides sont des exemples à suivre : s’écouter soi, aller au bout de ses rêves, ne pas avoir peur du ridicule, garder sa fragilité et la transformer en force.
Pierrot a survécu aux drames du monde. Cela fait 600 ans qu’il hante les théâtres avec sa finesse déconcertante. Cet anti-héros détient aujourd’hui de nombreuses clés de la transformation sociale et environnementale qui est en cours dans certains coins du monde.
La poésie est un puissant ressort d’action politique.
Flora Nativel, sociologue – coryphée